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Fang ! Ne va pas trop loin !-
T’en fais pas maman ! »
La fillette était presque arrivée à sa destination. Encore quelques mètres et… Ca y est, elle pouvait sentir les vagues s’écraser contre elle, tentant de la repousser sur le sable chaud. Elle tenait bon évidemment, sentant l’eau lui monter jusqu’à la taille à mesure qu’elle avançait en effectuant de grands mouvements avec ses bras et ses jambes. Un sourire se peignait sur son visage et elle rit à gorge déployée lorsqu’elle sentit qu’elle n’avait plus pied. Elle avait toujours adoré cette sensation quand elle était dans l’eau. L’impression de flotter, comme si elle était dans le ciel. Totalement libre de ses mouvements, seulement bercer par les vagues et le calme si apaisant de son village.
Fermant les yeux, elle respira cet air pur qui lui tenait à cœur, écoutant simplement le bruit de la mer. Néanmoins, elle remarqua que quelque chose clochait. Comme une sorte de bourdonnement qui… Se rapprochait. Alors elle leva les yeux et découvrit, dans le ciel, un monstre immense de métal. Il était gigantesque, avec un design très raffiné et extrêmement lumineux. Derrière lui il laissait une drôle de poussière que l’on pourrait aisément associer à de la poussière de fée dans les comtes pour enfant. Fang ne savait pas si elle devait être effrayée par cette soudaine apparition ou si, au contraire, elle n’avait pas à s’en préoccuper.
Néanmoins, sa mère lui donna le signal d’alarme. Depuis la plage, elle l’entendit crier son nom, visiblement prise de panique. Une moue sur le visage, la petite brune se détourna de l’étrange spectacle pour se tourner vers sa génitrice. Affolée, elle faisait de grands mouvements de bras tout en jetant des coups d’œil à l’étrange coque de métal qui semblait se rapprocher dans le ciel. Derrière elle, les quelques habitants qui étaient présents pour profiter des rayons du soleil étaient en train de ranger leur affaire dans une panique des plus totale. Franchement, si on lui expliquait ce qui n’allait pas, Fang pourrait enfin comprendre.
Résignée, elle commença à nager jusqu’à la rive. En face, sa mère se faisait de plus en plus insistante et se trouvait au bord des larmes. La fillette s’apprêtait à accélérer la cadence quand une explosion se fit entendre à plusieurs mètres de là, provoquant des cris et une fumée âcre commença à s’élever dans le ciel jusqu’à lors bleu. Avec précipitation, Fang mit pieds à terre, trébuchant dans le sable alors que sa mère tentait de l’emmener elle ne savait trop où. Une deuxième explosion, une troisième, et ça n’en finissait plus. Parmi le vacarme, elle pouvait entendre des coups de feu ainsi que des voix étouffés. Les cris ne s’arrêtaient pas. La noiraude se contenta de suivre sa mère qui la tirait avec force dans le nuage de fumée qui venait de se créer autour du village.
Elle ne comprenait rien à ce qui se passait. Pourquoi ce changement si soudain ? Pourquoi tous ces cris ? Pourquoi toutes ces… personnes allongées sur le sol… Et pourquoi ces marres de sang… Non, en réalité elle comprenait, elle ne voulait juste pas voir. Ce n’était pas vrai. Alors elle ferma les yeux, aussi fort qu’elle le pouvait, et elle ne laissa simplement guidé par la poigne qui la tenait. Elle savait qu’elle était en train de pleurer mais elle ne devait pas y penser.
Après plusieurs minutes de courses folles parmi les cadavres, les soldats, et la fumée, elles arrivèrent près du bâtisse qui s’emblait assez solide. La jeune femme secoua sa fille pour que celle-ci ouvre les yeux, retenant les larmes de perler dans ses yeux. Elle s’accroupit auprès d’elle et prit son visage entre ses mains.
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Ecoute moi bien Fang commença-t-elle d’une voix faible.
Il y a un sous-sol sous cette maison, auquel tu peux y accéder en passant par cette trappe. Tu vas te cacher là et attendre que tout soit calme dehors, c’est compris ?-
Quoi ? Mais pourquoi ? Et toi ? répliqua la petite brune entre deux sanglots.
Je ne veux pas être toute seule, reste avec moi !-
Je dois aller retrouver ton père ma puce. Il ne t’arrivera rien si tu restes dans la cave, je te le promets. Je reviendrais quand j’aurais finis. Et maintenant ne discute pas, file toute de suite ! »
Même si elle ne voyait rien autour d’elle à cause de la fumée, elle pouvait aisément deviner que des soldats s’approchaient au son de leurs voix et de leurs pas lourds. Sans attendre une seconde de plus, elle ouvrit la dite trappe et força sa fille à y entrer avant de la refermer et de disparaître dans le nuage de fumée.
Assise par terre, dans le noir, Fang continuait de pleurer. Elle jeta des coups d’œil autour d’elle mais elle ne distinguait rien du tout, à part de simples formes. Se redressant difficilement, elle s’approcha de la trappe qu’elle voulu ouvrir mais elle se figea lorsqu’elle entendit des voix au dessus d’elle. Un frisson parcourut son échine lorsqu’elle entendit de nouveau des coups de feu. Elle tenta de chasser la vision de sa mère effondrée sur le sol dans une mare de sang. Pour l’instant, elle ignorait que c’était la vérité et qu’elle ne reverrait plus jamais ses parents.
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Attends ici tonna la femme, sévère. »
Sans un mot, elle quitta la pièce pour rejoindre le bureau en face, où elle ferma la porte après lui avoir jeté un regard vide. La fillette frotta ses mains sur son vieux pantalon avant de s’asseoir et d’observer les lieux. Tout était recouvert d’un vieux bois et l’humidité était très présente, ainsi qu’une drôle odeur. Malgré ça, elle pouvait toujours sentir l’odeur salée de la mer et ça lui fit un bien fou. Croisant les bras, elle soupira avant de laisser son corps se coller au mur derrière elle.
Ces derniers jours avaient été épuisants. Elle ne pouvait que le constater mais ne voulait pas s’en souvenir. Jamais. Elle était simplement heureuse d’être en vie, même si elle vivrait avec cette souffrance certainement toute sa vie.
Des pas attirèrent son attention et elle releva la tête pour trouver une fille qui devait être légèrement plus jeune qu’elle. Des cheveux roux en bataille, de grands yeux verts remplis de larmes, un habit tout aussi délabré que le siens, Fang ne mit pas longtemps à comprendre que cette gamine avait vécu la même chose qu’elle. Ca se voyait dans son regard complètement perdu, il ne fallait pas être un adulte pour comprendre ça.
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Je ne les trouve pas sanglota la rouquine en passant ses mains sur son visage. »
Fang n’était pas une enfant très douce, qui éprouvait de l’empathie pour les autres mais là, ça lui faisait horriblement mal de voir cette fillette dans un état pareil. Peut-être parce qu’elles venaient de vivre une chose similaire et qu’elle aussi avait besoin de quelqu’un pour oublier ses peines. Mais qu’importe, c’était comme ça et pas autrement.
La brune se leva donc et combla les quelques mètres qui la séparait de l’inconnue afin de la prendre dans ses bras qu’elle ne voulait pas tremblants. Le corps de la petite était chaud et ça lui fit un bien fou d’avoir un contact humain après avoir côtoyé des cadavres beaucoup trop longtemps à son goût.
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Ça va aller, je suis là murmura-t-elle, autant pour se rassurer que rassurer la rouquine. »
Et elle ne mentait pas. Levant les yeux, elle remarqua une inscription gravée dans le bois. "Bienvenue à l'orphelinat d'Oerba".
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Ne fais pas ça Fang !-
Si ! Il doit payer pour ce qu’il n’a pas fait ! »
Brandissant sa lance, la brune devenue grande la pointa en direction du Fal’Cie qui rayonnait en face d’elle. Anima. Celui qui n’a pas bougé d’un seul pouce alors que son village entier et tout Gran Pulse se faisait assigné par les forces de Cocoon. C’était à cause de lui que ses parents étaient morts. Il était le seul fautif. Et après il se disait régner sur tout Gran Pulse ! Quelle bonne blague. Il ne servait à rien, si ce n’était que prendre un malin plaisir à voir les humains s’entretuer.
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Qu’est-ce que tu attends pour faire quelques chose ?! tonna-t-elle, furieuse.
Je vais te réduire en charpie !-
Arrête ça Fang ! la supplia Vanille à quelques mètres de là. »
Mais avant qu’elle ait pu faire quoique ce soit, la noiraude se retrouva propulsé par une onde de choc, emmenant son amie avec, les faisant s’écrouler à terre tandis que la lumière du Fal’Cie s’illumina. La peur se mêla à la rage et la grande brune s’apprêtait à se relever lorsqu’elle sentit une force étrange s’immiscer en elle. Comme si quelque chose de nouveau coulait dans ses veines. Comme… De la magie. Indécise, elle coula un regard vers le Fal’Cie, imperturbable, avant de poser ses yeux sur Vanille où une panique soudaine se lisait dans ses yeux. Cela venait-il réellement de se produire ?
Comme pour confirmer ses dires, son amie porta son attention sur son épaule gauche, où trônait à présent la marque des l’Cie de Pulse. Des condamnés à servir le dessein d’un Fal’Cie et à obtenir, soit disant, la vie éternelle une fois leur tâche accomplie en se cristallisant. Et en cas d’échec, ils deviennent de simples monstres errants, sans souvenirs ni personnalités. Certains voyaient ça comme une bénédiction, d’autres une malédiction, mais Fang ne savait pas quoi penser. C’était si… Rapide.
Et avant même qu’elle n’ait pu remettre de l’ordre dans ses pensées, elle fut prise de vertige. Passant sa main gauche sur son front, elle jura alors que sa vue commençait à se troubler. S’en suivit une série de flashs, où elle distingua Cocoon se faisant attaquer par un monstre gigantesque. Elle pouvait même entendre des murmures, comme si on lui chuchotait quelque chose à l’oreille mais elle n’en comprit pas le sens. Elle revint rapidement à elle et par automatisme, porta son attention sur Vanille qui n’avait pas bougé et semblait également reprendre ses esprits. Si les rumeurs étaient vrai, ce qu’elles venaient de voir était la tâche que le Fal’Cie leur avait confié. Et donc qui était de… Détruire Cocoon en devenait une sorte de monstre ? C’était insensé !
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Fang… débuta Vanille, lui lançant un regard incertain.
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Ne t’inquiète pas Vanille répondit la noiraude qui se redressa rapidement.
On est devenues des l’Cie… Et alors ? Grâce à ça on a des pouvoirs, ce n’est pas génial ? »
Bien sûr elle essayait de relativiser. Elle ne voulait pas que son amie s’inquiète et panique. Elle devait la protéger. Et au fond, ce n’était pas un drame ce qui leur arrivait. Elle avait toujours souhaité devenir forte pour protéger la rouquine, la seule famille qui lui restait, voulant empêcher que le passé se reproduise. Grâce à cette magie, à cette force nouvelle, elle avait la possibilité de vaincre n’importe qui. Ou n’importe quoi. Le Fal’Cie avait-il tenté de la punir pour son insolence ? Dommage pour lui, cela ne l’atteignait pas.
Jetant un regard peu amène à ce dernier, un sourire se dessina sur le coin de ses lèvres. Oui, ce n’était pas si mal ! En plus elle avait la possibilité de détruire Cocoon. Mieux encore, c’était sa tâche. Allait-elle la rejeter ? Certainement pas ! Elle allait leur faire payer, à eux aussi, la mort de ses parents.
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Fang, tout ceci est affreux ! s’exclama soudainement Vanille.
On est des l’Cie ! Et on doit… Détruire Cocoon ! Tu te rends compte ?! -
Mais non, tout va bien se passer, ce n’est pas si grave. »
Elle ne l’écoutait pas. La grande brune aurait bien voulu la prendre dans ses bras, comme elle le faisait tout le temps pour la réconforter mais son amie lui échappa et s’éloigna en courant. Serrant les poings, la plus âgée se contenta de rester immobile et de la regarder partir. Tant pis. Si Vanille ne pouvait pas assumer ce… fardeau, elle s’en chargerait à sa place. Elle accomplirait cette foutue tâche tout en protégeant son amie, qu’importe ce qui les attendaient après.
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Le paysage défilait dehors, les rapprochant de plus en plus de leur but qu’elles s’étaient fixées il y a quelques heures. Retrouver leurs souvenirs. Seulement deux jours s’étaient écoulés depuis leur sommeil cristallin, à Vanille et elle, mais aucune des deux ne connaissaient leur nouvelle tâche. Ou plutôt la tâche de Vanille. D’un geste léger, Fang caressa du bout des doigts sa marque de l’Cie qui semblait s’être éteinte, blanche et terne. C’était un mystère pour elle, tout comme leur présence ici, sur Cocoon. Comment avaient-elles atterries ici ? Etait-ce Anima qui avait encore fait des siennes ?
En tout cas, elle se souvenait parfaitement ce qu’elle avait accompli par le passé. Sa transformation en Ragnarok, où elle avait réussit à percer la coque de Cocoon et l’intervention d’Etro qui l’empêcha d’arriver à ses fins en la cristallisant, ainsi que Vanille. Vanille qui n’avait pas voulu participer à tout ça, ayant trop peur des pouvoirs que cela conférait. La grande brune pouvait la comprendre et ne lui en voulait absolument pas. Au moins elle ne s’était pas mise en danger.
Soupirant, la jeune femme colla sa joue contre sa vitre, les yeux perdus dans le vide. Leur destination était la Gorge d’Euride, là où se trouvait le Fal’Cie Kujata d’après Serah, qu’elles avaient rencontré après leur réveil. Là-bas elles espéraient pouvoir obtenir des réponses afin que Vanille accomplisse sa tâche. Jamais elle ne la laissera se changer en Cie’th.
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Comment ça, rien trouvé ?! cracha-t-elle en agrippant l’homme par le col de son uniforme. »
Les sourcils froncés et la bouche déformé dans un rictus, Fang toisa Rygdea. Une fureur sourde grondait en elle. Cela faisait trois jours qu’elle était sans nouvelle de Vanille. Et ce crétin osait lui dire qu’il ne l’avait pas trouvé ?!
L’incident à la Gorge d’Euride n’avait pas du tout été prévu. La noiraude aurait bien aimé l’évité mais désormais c’était trop tard. Ce gamin s’était transformé en l’Cie de Cocoon et elle a dû forcer Vanille à fuir pour éviter à combattre les soldats du Sanctum qui sont arrivés aussi vite que des chiens courant après une balle. C’est là qu’elle est tombée sur Rygdea et ses hommes, ainsi que Cid Raines, avec lesquels elle a conclut une sorte d’alliance. Elle était prête à tout pour retrouver Vanille de toute manière. D’autant plus que le temps de jouait pas en leur faveur, il fallait qu’elles découvrent qu’elle était sa tâche, et vite.
Finalement, elle relâcha le soldat, sachant pertinemment que ça ne servirait à rien de s’en prendre à lui, et enfouit sa frustration au fond d’elle. En espérant juste qu’elle resterait là bien sagement. Elle ne devait pas perdre son sang froid. Elle finirait bien par retrouver son amie, il ne pouvait pas en être autrement.
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Les pieds dans le sable, Fang observa la nuit s’installer tranquillement sur les dunes qui s’étaient à perte de vue autour d’elle. Tout était calme, serein, comme si rien ne pouvait perturber cet endroit qui ne changerait jamais. Ce soir, elle était nostalgique. Juste un peu. Les souvenirs de son aventure en tant que l’Cie lui revinrent en mémoire, doucement, comme pour lui dire de ne rien oublier de tout ça même si cela faisait déjà des années. De très longues années. Les rencontres avec ses compagnons, devenus des amis, leur périple pour accomplir leur tâche, manipulés par des dieux, leur rébellion accompagné par leur désire de liberté, de paix, sa transformation en pilier de cristal pour sauver Cocoon au côté de son amie de toujours, Vanille, l’aide apporté à Serah durant son périple pour empêcher le monde de s’effondrer à nouveau, son second réveil au cœur d’un monde plongé dans le chaos où elle avait de nouveau dû se battre pour protéger son amie rousse et finalement elle était là, en plein milieu du désert, à diriger un gang de bandits, les Monoculus. Elle avait encore du mal à se dire qu’elle avait accompli tout ça. Qu’elle avait oublié sa rancœur, ses peines, ses doutes, pour se battre afin de sauver le plus grand nombre ainsi que ses amis, la chose qui lui importait le plus au monde. Avec tout ça, elle pouvait bien se désigner comme quelqu’un d’exceptionnel, non ?
Néanmoins, l’histoire ne se terminait pas là, et elle le savait pertinemment. L’immortalité, tous les êtres humains en étaient à présent dotés. Une véritable malédiction puisque le cycle de la vie était désormais brisé. Mourir d’ennui, assassiné ou bien de maladie, rien de tout ça n’était radieux. Sans parler des tensions politiques qui régnaient, auxquelles Fang prêtait toujours une oreille attentive. Non, vraiment, rien ne tournait rond en ce moment. Elle allait être encore de corvée pour sauver le monde si ça continuait ainsi. C’était décidé, il fallait qu’elle arrête de se la couler douce, à piller des vieux tombeaux. Première étape ? Retrouver ses compagnons, en particulier Vanille, qui devait s’être mise en tête de tout faire pour régler ces nombreux problèmes. Ce n’était pas toujours facile d’avoir un talent comme le sien.